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Wallace Cleaver, rappeur proustien

Publier un disque et le défendre sur scène est la routine de beaucoup de musiciens. D’autres, plus rares, se compliquent davantage la tâche. C’est le cas de Wallace Cleaver, qui s’apprête à faire l’Olympia le 13 septembre. La veille de la sortie de son troisième album, Merci, en juin, le jeune rappeur originaire de Blois projetait un court-métrage dans neuf cinémas en France et en Belgique.
Un film réalisé par le collectif, SangFroid, met en images de manière poétique et bucolique ses raps qui racontent son enfance, entre la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux, les grands-pères, le paternel paysan et le maternel instituteur, et ses parents divorcés. La mélancolie d’une adolescence entre bécanes, rimes et jeux dans les champs.
Dans le film, Léo Gond, son véritable état civil, 26 ans, joue le rôle d’un jeune homme qui revient sur les lieux de son enfance pour retrouver son grand frère désabusé : « Le court-métrage, ce n’est pas entièrement mon histoire, explique-t-il. Je n’ai pas de frère mais une grande sœur. En revanche, le reste, c’est un peu moi : la moto, la centrale, les cafés du coin, les relations de famille compliquées, la figure du grand-père. »
Pas facile, dans le milieu très codé du rap, d’imposer sa musique raffinée, ses textes d’une grande sensibilité qui remercient inlassablement ses aïeux. Les deux grands-pères ont chacun leur interlude audio dans son disque, l’un l’appelle de son Ehpad pour le féliciter, l’autre fait le récit, en patois, d’un épisode de la seconde guerre mondiale. Alors pour faire passer le message, le rappeur s’appuie sur l’image : « J’ai toujours aimé le marketing, et la manière dont on fait des puzzles avec les créations, assume-t-il. Ça raconte aussi quelque chose. »
Lui a découvert le rap avec sa grand-mère maternelle, diplômée d’une école d’art, qui intervenait dans les classes pour sensibiliser les élèves à l’audiovisuel. En 2009, elle emmène son petit-fils interviewer le rappeur Oxmo Puccino qui joue dans la région, et voilà le gamin, accro aux rimes : « A 10-11 ans, se rappelle-t-il, je me retrouve devant ce grand monsieur, et à partir de là, je me mets à répéter ses textes : 365 jours, Peur Noire, L’Enfant seul… A la maison, ma mère écoutait beaucoup de blues, de funk, et mon père, c’était la variété et le rock français, de Bérurier noir à Renaud. »
A l’adolescence, il monte un groupe, Garden Club, avec un passionné de rap américain qui habite aussi dans sa campagne, puis il poursuit finalement ses études à Paris. Il s’inscrit en lettres pour préparer le concours de professeur des écoles. A la Sorbonne, il rencontre un autre groupe de rap qui le familiarise avec les studios d’enregistrement, la compétition des « open mics » mais surtout, il découvre l’œuvre de Marcel Proust et se donne un nouvel objectif : « Ecrire pour comprendre ce qu’on ressent et comment l’éprouver à nouveau, résume-t-il. Mon prof disait qu’il fallait lire un Proust tous les dix ans. Il y a sept volumes, je suis parti pour soixante-dix ans. Grandir avec Proust, je trouve ça cool. » Tellement cool qu’en 2022, il a publié deux mini-albums qui s’en inspirent : A la recherche du temps perdu et A la recherche du temps ralenti.
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